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Ce livre publié chez Grasset est un discours mené pour faire prendre conscience des « menaces sur l’universalisme ». C’est un livre qu’il faut lire absolument. C’est un des « must » de l’automne. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.
D’abord parce qu’elle nous offre un texte produit avec un grand souci de l’investigation journalistique que l’on rencontre de moins en moins et une démarche formée par la nouvelle sociologie renouant avec la grande sociologie française alors que de nombreux sociologues révisionnistes de la fin du siècle dernier sous domination de la sociologie américaine (Touraine, Wievorka et leurs élèves) nous avait habitué par le passé à nourrir la contre-révolution régressive aboutissant à la promotion du communautarisme et de l’acceptation de l’intégrisme, y compris fascisant.

Quel plaisir de lire un livre qui fourmille de cas concrets bien investigués et bien formulés, non pour faire du sensationnalisme et du nombrilisme individualiste, mais pour mieux questionner l’universel. Condorcet ne disait-il pas que si l’on trouvait une seule personne ne jouissant pas de tous les droits dont bénéficient les autres, nous ne serions pas en République ! Voilà une conception exigeante de la République largement ignorée de tous les dirigeants de la Ve république, comme de beaucoup des dirigeants et militants du champ politique et du mouvement social.
L’auteure formée à l’EHESS, qui fut le cheval de Troie de la sociologie américaine et qui a alimentée la deuxième gauche d’adaptation au capitalisme, nous sert une pensée au service de l’émancipation. Juste retour des choses !
Puis, elle fait partie comme d’autres intellectuels trentenaires de la relève intellectuelle des soixante-huitards à bout de souffle. Nous vous avons parlé précédemment de Gaël Brustier et de Jean Philippe Huelin dans leur Recherche (le) peuple désespérément, et bien que cela soit dans un domaine différent, voilà avec ce livre de quoi remettre la pensée laïque sur les rails.
Enfin, elle analyse de façon critique et acerbe, toute la cohérence idéologique des différents révisionnismes de la laïcité qui vont devenir les principaux alliés des néolibéraux dans les trente dernières années. Elle analyse très bien la tendance communautariste voire intégriste mais aussi les ultra-laïcistes qui n’hésitent pas de temps en temps à sombrer dans le racisme vulgaire et le cancer du Choc des civilisations où ils défendent l’Occident chrétien contre l’Orient islamique. En lisant le livre, vous lirez toutes les analyses synchroniques de la contre-révolution révisionniste, le communautarisme contre la laïcité, l’acceptation d’un intégrisme dit soft contre la République intégratrice, de l’internationalisme contre l’universel, de la diversité contre l’égalité, de la charité contre la solidarité, du droit à la différence contre le droit à l’indifférence, etc.
Par ailleurs, comprendre ce livre, c’est nous inciter à réfléchir par la raison et non suivre ses pulsions non pensées. C’est retrouver le chemin de la raison raisonnante face aux simplifications binaires du Choc des civilisations, du nationalisme étroit, du gentil et du méchant, du rabougrissement de la laïcité quand ces révisionnistes la confondent avec la simple tolérance. Et comme c’est souvent véhiculé par certains de nos concitoyens – jusqu’à des cadres politiques et des militants -, ce livre mérite d’être lu.
Elle montre bien les confusions du mouvement antiraciste, du mouvement féministe, de la gauche révisionniste, de la gauche tiers-mondiste. Elle analyse bien la dérive du multiculturalisme.
Mais elle est sans concessions face à « l’ambition universelle à bout de souffle ». Et c’est tant mieux qu’elle le fasse. Les soixante-huitards ont terminé leur rôle historique. Sans le dire, elle semble appeler à une refondation laïque, sociale et républicaine.
Mais pour cela, il convient d’aller plus loin que ce livre. Il faut mieux analyser les causes de cette montée du communautarisme et de l’intégrisme même lorsque le mouvement de sécularisation se développe de façon spectaculaire. L’auteure se refuse à une analyse diachronique pour donner les causes de ce qu’elle dénonce. Elle n’explique pas le paradoxe de la montée concomitante de la sécularisation et des « visibilités de la diversité communautariste et intégriste ». Pour l’instant, Caroline Fourest se refuse à analyser la phase du capitalisme actuel,dans laquelle la puissance dérégulatrice du néolibéralisme, tueuse des services publics et des organes publics de l’autorité politique a besoin du développement des forces communautaristes et intégristes pour « encadrer » tous les perdants de la globalisation financière. Ce développement répond donc à un besoin pour la « gouvernance mondiale ». C’est pourquoi cette dernière est très généreuse en termes de formation, d’aide matérielle, financière à ces forces régressives.
Mais pour cela, il faut aussi s’appuyer sur des organisations militantes pour mener les actions de toutes natures, militantes, d’éducation populaire, syndicales et politiques. Là, elle s’arrête comme par pudeur. Alors qu’elle nomme des organisations dans de nombreux pays, pas un mot pour la France sauf pour parler d’une organisation qui fut laïque à la fin du XIXe siècle et dont le secrétaire général actuel vient de lancer un appel pour qu’un gouvernement responsable supprime la loi du 15 mars 2004 et une autre qui fut en son temps, et ce n’est pas dit dans le livre le chantre du différentialisme contre la loi du 15 mars 2004. En lisant ce livre, on a l’impression que la bataille n’est faite que par des intellectuels isolés et brillants et qu’in fine le législateur touché par la grâce va de temps en temps « dans le bon sens »!
Conclusion: Si on fait le bilan de cette recension, le positif l’emporte. Courrez donc acheter ce livre et engager la bataille ! Il y a tout ce qu’il faut dans ce livre pour vous amener sur une bonne voie malgré votre environnement de confusions largement distillées par les « grands de ce monde »!

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